Qu'est ce qu'une " crise " ?
Il nous suffit simplement d'allumer la télé trônant au milieu du salon, s'y placer aux alentours de 20 heures et assister à ce qui nous tient lieu d'informations pour entendre continuellement le même titre : « La crise ». Cette banalisation de la crise, que l'on applique surtout au domaine économique depuis quelques années, laisse supposer une négativité formelle intrinsèque à la crise, destructrice d'un ordre sans rien assurer de la suite, laissant seulement en retour le fardeau d'une reconstruction. Cependant, bien qu'une large fraction des mouvements politiques donnent crédit à cette vision négative, d'autres voient dans cette crise l'issue attendue d'un système que l'on a laissé se développer et ainsi, l'occasion (et non pas le « fardeau ») de reconstruire sur des bases plus saines. Ces considérations sur la crise illustrent l'ambiguïté de ce phénomène, de ce moment de rupture facteur d'angoisse.
Le temps se caractérise par ces moments critiques, moments de crises qui semblent indiquer une rupture nette, distinguant par la-même un avant et un après. En permettant ainsi une distinction essentielle dans la temporalité, on retrouve un sens de la racine grecque du mot crise (krirein) comme distinction, c'est à dire une séparation nette et repérable de la durée. Le temps s'apparente au chronos grec : sur fond de l'aîon (de durée) et rythmé par des kaïroï (instants). C'est là que prend tout le sens de la crise, par rapport au temps : la crise doit-elle être comprise comme un facteur de désordre temporel, en faisant surgir un instant perturbateur, ou au contraire comme un facteur d'ordre donnant toute sa réalité au temps ? Comment comprendre l'apparition d'un tel moment de renversement ? La crise, justement par cet aspect de renversement qui peut apparaître pour certains comme destructeur, est ce moment critique qui permet une mise en perspective du temps de l'habitude et offre par conséquent des possibilités de critiques originales.