question romain gary
Je tâtai également du tennis, ayant reçu en cadeau une raquette des parents d’un ami. Mais il fallait payer, pour devenir membre du Club du Parc Impérial, une somme qui dépassait nos moyens. Ici se situe un épisode particulièrement pénible de ma vie de champion. Voyant que, 5 faute d’argent, l’accès du Parc Impérial allait me demeurer interdit, ma mère fut prise d’une juste indignation. Elle écrasa sa cigarette dans une soucoupe et saisit sa canne et son manteau. Ca n’allait pas se passer comme ça. Je fus invité à prendre ma raquette et à accompagner ma mère au Club du Parc Impérial. Là, le secrétaire du Club fut sommé(1) de
10 comparaître devant nous et, les éclats de voix de ma mère faisant leur chemin, il le fit incontinent (2), suivi par le Président du Club, lequel portait le nom admirable de Garibaldi, et qui accourut également. Ma mère debout au milieu de la pièce, son chapeau légèrement de travers, brandissant sa canne ne leur laissa rien ignorer de ce qu’elle pensait d’eux.
15 Comment ! Avec un peu d’entraînement, je pouvais devenir champion de France, défendre victorieusement contre l’étranger les couleurs de mon pays, et l’entrée des courts m’était interdite pour une pâle et vulgaire question d’argent ! Tout ce que ma mère tenait à dire à ces messieurs, c’est qu’ils n’avaient pas à cœur les intérêts de la patrie – elle
20 tenait à le proclamer hautement, en tant que mère d’un Français - je n’étais pas encore naturalisé à cette époque, mais ce n’était évidemment là qu’un détail trivial (3) – et elle exigeait qu’on m’admît séance tenante sur les courts du Club. Je n’avais tenu que trois ou quatre fois une raquette de tennis à la main, et l’idée que l’un de