Racine, andromaque: commentaire stylistique du monologue d'oreste (v, 4)
L’extrait d’Andromaque qui nous intéresse constitue la scène quatre de l’acte cinq de la pièce de Racine. Oreste se retrouve seul suite aux accusations injustifiées d’Hermione qui lui reproche d’avoir obéit en tuant Pyrrhus. La scène précédente représente Hermione exprimant sa colère et son désespoir en insultant Oreste qui s’attendait pourtant à l’épouser, comme promis, en gage de sa loyauté. La réaction d’Hermione établit donc un coup de théâtre qui laisse Oreste et le spectateur pantois. La scène suivante, où le malheureux est laissé seul, forme ainsi une pause dans l’action qui permet au personnage de se livrer à un monologue exemplaire de ces moments où Racine dénude les âmes. On se demandera en quoi ce monologue, tiraillé entre le discours rhétorique et l’expression d’une douleur amoureuse, est à l’image d’Oreste en qui le cœur et la raison s’affrontent. Si le personnage semble d’une part en proie une aliénation marquée par un jeu de contrastes et d’antithèses, il fait preuve d’autre part d’un respect rigoureux du discours rhétorique qui peut suggérer une délibération. Enfin la métrique semble traduire le bouleversement du cœur d’Oreste qui basculera dans la folie à la scène suivante.
I. Une aliénation qui se dégage d’un jeu d’antithèses et de contrastes
1. L’identité remise en question
Le trouble d’Oreste touche d’abord sa vue et son ouïe, deux sens étroitement liés à l’intelligence. C’est pourquoi, les deux questions sur leurs informations respectives Que vois-je? et Que viens-je d’entendre? (vers 1565) en encadrent une troisième sur la compréhension du message véhiculé par l’œil et l’oreille: Est-ce Hermione? (vers 1565). Mais le doute d’Oreste sur l’identité d’Hermione lui est renvoyé à lui-même. Tout le cheminement du texte de Je suis si je l’en crois, un traître, un assassin (vers 1567) à Je suis un monstre furieux (vers 1579) en passant par Et suis-je Oreste