À la suite des éditions de l’Olivier, Points s’attaque à la publication en poche des œuvres complètes du nouvelliste américain Raymond Carver, avec pour commencer trois sorties : Débutants, accompagné de son double réorchestré, Parlez-moi d’amour (1981) ainsi que Tais-toi je t’en prie (1976), premier recueil publié par l’auteur. « Comme je l’ai dit, je suis paumé, fatigué, parano, et effrayé, oui, des conséquences qu’aurait pour moi la parution du recueil dans sa forme actuelle […] Je vous en prie, ne rendez pas les choses trop difficiles pour moi car il y a de fortes chances que je commence à partir en lambeaux en apprenant combien je vous ai mécontenté et déçu. » (1) Pour précision, Débutants (2) est ce qu’aurait dû être Parlez-moi d’amour si l’éditeur Gordon Lish n’avait pas amputé le texte de sa moitié, modifié la plupart des titres, remanié les chutes et vidé la plupart des nouvelles de la signature mélancolique de l’auteur. Si Débutants est bien un recueil de nouvelles de Raymond Carver, Parlez-moi d’amour est le résultat d’une opération chirurgicale à visée plus commerciale qu’artistique. Opération réussie, car c’est grâce à ce livre que Carver a rencontré le succès auprès du public, devenant malgré lui la figure d’un courant dit minimaliste. Cela, en dépit des demandes, ou plutôt des suppliques, de l’auteur pour que Gordon Lish ne publie pas le recueil charcuté, selon son mot, notamment à travers une lettre désespérée publiée dans cette édition. Or, si le travail d’editing réalisé par Gordon Lish allait à l’encontre des vœux et de l’état d’esprit de l’auteur, on ne peut pas le soupçonner d’avoir voulu saboter Carver mais plutôt d’avoir tenté d’en tirer un profil, de créer des effets, voire d’en exagérer le trait dans une certaine froideur qui était déjà dans Carver mais n’était pas totalement Carver. Pour preuve, les recueils suivants, plus proches de la sensibilité de Débutants que de la version Lish.
Parlez-moi d’amour n’en reste pas moins un