Robbe grillet
Pour le diner, Franck est encore la, souriant, loquace, affable. Christiane, cette fois, ne l’a pas accompagné, elle est restée chez eux avec l’enfant, qui avait un peu de fièvre. Il n’est pas rare, à présent que son mari vienne ainsi sans elle: à cause de l’enfant, à cause aussi des propres troubles de Christiane, dont la santé s’accomode mal avec le climat humide et chaud, à cause enfin des ennuis domestiques qu’elle doit à ses serviteurs trop nombreux et mal dirigés.
Ce soir pourtant, A… paraissait l’attendre. Du moins avait elle fait mettre quatre couverts. Elle donne l’ordre d’enlever tout de suite celui qui ne doit pas servir.
Sur la terasse, franck se laisse tomber dans un des fauteuils bas et prononce son exclamation – désormais coutumiere – au sujet de leur confort. Ce sont des fauteuils très simples, en bois et sangles de cuir, exécutés sur les indications de A… par un artisant indigène. Elle se penche vers Franck pour lui tendre son verre.
Bien qu’il fasse tout à fait nuit maintenant, elle a demandé de ne pas apporter les lampes, qui – dit elle – attirent les moustiques. Les verres sont emplis, presque jusqu’au bord, d’un melange de cognac et d’eau gazeuze ou flotte un petit cube de glace. Pour ne pas risquer d’en renverser le contenu par un faux mouvement, dans l’obscurite complete; elle s’est approchée le plus possible du fauteuil où est assis Franck, tenant avec précaution dans la main droite le verre qu’elle lui destine. Elle s’appuie de l’autre main au bras du fauteuil et se penche vers lui, si prets que leurs têtes sont l’une contre l’autre. Il murmure quelques mots, des remerciement, sans doute. Elle se redresse d’un mouvement souple, s’empare du troisieme verre – qu’elle ne craint pas de renverser, car il est beaucoup moins plein – et va s’assoir à coté de Franck, tandis que celui ci