Satre l'égo
L'être et le néant
Essai d'ontologie phénoménologique
É D ITI O N C O R R I G ÉE A V EC I N D EX P A R A RLETTE ELKAÏM-SARTRE
Gallimard
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Ce livre a initialement paru dans la Bibliothèque des Idées" en 1943.
© Éditions Gallimard, 1943.
Au Castor
Introduction À LA RECHERCHE DE L'ÊTRE
L'IDÉE DE PHÉNOMÈNE
La pensée moderne a réalisé un progrès considérable en réduisant l'existant à la série des apparitions qui le manifestent. On visait par là à supprimer un certain nombre de dualismes qui embarrassaient la philosophie et à les remplacer par le monisme du phénomène. Y a t-on réussi ? Il est certain qu'on s'est débarrassé en premier lieu de ce dualisme qui oppose dans l'existant l'intérieur à l'extérieur. Il n'y a plus d'extérieur de l'existant, si l'on entend par là une peau superficielle qui dissimulerait aux regards la véritable nature de l'objet. Et cette véritable nature, à son tour, si elle doit être la réalité secrète de la chose, qu'on peut presse ntir ou supposer mais jamais atteindre parce qu'elle est « intérieure » à l'objet considéré, n'existe pas non plus. Les apparitions qui manifestent l'existant ne sont ni intérieures ni extérieures : eltes se valent toutes, elles renvoient toutes à d'autres apparitions et aucune d'elles n'est privilégiée. La force, par exemple, n'est pas un cana/us métaphysique et d'espèce inconnue qui se masquerait derrière ses e ffets (accélérations, déviations, etc.) : elle est l'ensemble de ces effets. Pareiltement le courant électrique n'a pas d'envers secret : il n'est rien que l'ensemble des actions physico chimiques (électrolyses, i ncandescence d'un filament de carbone, déplacement de l'aiguille du galvanomètre, etc.) qui le manifestent. Aucune de ces actions ne suffit à le révéler. Mais elle n'indique rien qui soit derrière elle: elle indique elte-même et la série totale. Il s'ensuit, évidemment, que le dualisme de l'être et du paraître ne saurait plus trouver droit de