Semb Ne Ousmane
Banty Mam Yall. Le roman a été publié en 1960, l'année de l'indépendance de la plupart des états francophones. Il se déroule sous l'ère coloniale. La 3ème oeuvre de Sembène repose sur une vielle tradition africaine: par superstition on ne compte pas les personnes vivantes, tout comme on n’indique pas le nombre exact d'enfants que l'on a, afin d'éviter que les esprits malins abrégent leur vie. On les désigne par l'euphémisme « les bouts de bois de Dieu », pour éloigner le mauvais sort. C’est ainsi également que les femmes se désignent entre elles dans le roman.
"Ne nous dénombre pas, s'il te plaît, dit la Séni en se levant précipitamment, nous sommes des Bouts-de bois-de-Dieu, tu nous ferais mourir." (p. 301)
Dans ce chef d'œuvre de la littérature africaine, l'auteur s'inspire d'un fait réel : la grève des cheminots du Dakar-Niger qui a eu lieu à Dakar et à Bamako, d'octobre 1947 à mars 1948. L'auteur dévoile les motifs qui ont poussé les cheminots à interrompre le travail durant cinq mois. Ils résultent tous de leur situation de travailleurs Africains. Ils sont désavantagés par rapport à leurs collègues Européens qui jouissent de privilèges sans commune mesure. Leurs revendications peuvent se résumer en quelques mots: augmentation de salaires, allocations familiales, vacances annuelles, retraites, et droit de créer leur propre syndicat. Ces revendications ont été élaborées à Thiès, « la ville du rail ». La ligne de chemin de fer dessert les grandes villes Dakar, Thiès, Bamako et Rufisque, qui deviennent les centres de la rébellion. Dakar est le centre administratif. C'est là que se prennent les décisions importantes. C'est également le siège de l'administration coloniale et des syndicats.
Le roman s'ouvre sur une scène au Mali dans laquelle les syndicalistes hésitent à engager un bras de fer avec les autorités coloniales, comme ils l’ont décidé. Les souvenirs de la grève de 1938 sont encore vivaces, car elle a