Siècle des Lumières
L'ouvrage qui ouvre l'espace intellectuel du XVIIIème siècle dans son rapport à la religion est la Théodicée de Leibniz, paru en 1710. Voltaire ne s'y était pas trompé, puisqu'il tente à sa manière de le neutraliser à travers le récit des aventures imaginaires de son Candide. Mais, en réalité, si Voltaire s'oppose à Leibniz sur la solution, il partage avec lui la position du problème. Dieu se trouve convoqué devant le Tribunal de la raison humaine pour se justifier de l'existence du mal. Peu importe que l'accusé soit disculpé ou reconnu coupable, l'audace inaugurale réside bien dans la mise en accusation de Dieu. Ainsi le XVIIIème siècle, qui commence avec le procès de Dieu, culminera dans le procès du roi. Dans les deux cas, il s'agit d'un procès politique et moral. Le roi se trouve accusé d'avoir trahi la Révolution qu'il avait en apparence acceptée. Dieu se trouve accusé d'avoir mal gouverné le monde en autorisant le mal, alors que sa toute-puissance et sa sagesse auraient dû permettre de le rendre inutile et inexistant. La question du mal, à l'aube du XVIIIème siècle, au lieu d'interroger prioritairement l'homme, se retourne contre Dieu, qui est désigné, sinon comme son auteur, du moins comme son complice.
Le lieu même de ce procès doit être souligné. Il s'agit bien de la morale ou de la politique, et pas d'abord de la science. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le sentiment de la solidarité entre l'existence de Dieu et la possibilité de la science de la nature reste largement partagé. Descartes exprime bien ce qu'on pourrait appeler l'opinion dominante des savants de son temps, et même du siècle suivant, quand il pose Dieu comme le garant des vérités éternelles et la condition de possibilité de la science de la nature. Bien sûr, les "libres-penseurs"du siècle classique et les philosophes "matérialiste" du siècle des Lumières maintiennent vivante l'antique tradition épicurienne. Quant à Spinoza, posant au commencement de son Éthique