S'il est un contexte spécifique forgé par la science politique du XX siècle, sans recours à l'expérience des siècles précédents, c'est sans contexte le totalitarisme. Il renvoie à l'apparition d'un mode de domination politique inédit dans l'histoire, que les notions de « tyrannie » (régime sans lois » de de « régime » autoritaire ( connaissant un pluralisme limité, une idéologie mal articulée et un faible degré de mobilisation politique de la population tels l'Espagne de Franco, ou le Portugal de Salazar) échouent à définir. Comme l'a bien montré Hannah Arendt, le totalitarisme, par sa « terrifiante originalité », « a pulvérisé nos catégories politiques et nos critères de jugement moral ». La validité d'un tel concept fait question. D'origine polémique, il recèlerait une valeur descriptive plutôt qu'explicative, et son caractère englobant effacerait les singularités qui distinguent nazisme et communisme. De telles limitent invalident-elles pour autant la spécificité d'une entité politique essentielle pour saisir les effets de la modernité et les dérives potentielles de la démocratie?
1.Les ressorts d'un phénomène sans précédents.
1.1 Le totalitarisme comme une « idéocratie »
La volonté d'emprise totale sur la société et sur toutes les sphères d'existences des individus, qui caractérise le totalitarisme, dépend d'une idéologie exclusive, qui prétend « tout expliquer jusqu'au moindre événement, en déduisant d'une seule prémisse » (Arendt). Ce type de domination est lié à la détention d'un « savoir » sur l'histoire, la nature de la société ou la condition humaine, dans un projet artificialiste de la fabrication de l'avenir. Le totalitarisme obéit à des lois de l'histoire ou de la nature présentées sur un mode scientifique et infalsifiable: le matérialisme historique pour le marxisme ( la lutte des classes pour la domination économique ) ou la loi de la nature pour le nazisme ( la supériorité biologique d'une race destinée à dominer l'Europe). Le