Voltaire
Scarmentado examine en spectateur curieux et candide la diversité des usages et des croyances des hommes. Il les enregistre ici, même les plus horribles, avec une impassibilité étonnante sans faire de réflexion sur ce qu’il voit : « je m’imaginais que nous allions voir quelque carrousel ou quelque fête de taureaux ». Au détour d’une phrase, cependant, il se laisse aller à un commentaire qui, sans en avoir l’air, fait tomber les masques. Les détails contradictoires qui décrivent les moines laissent voir un défilé de pantins mécaniques et cocasses. Avec une naïveté exemplaire, Scarmentado ne réagit pas devant l’horreur des supplices auxquels il assiste ou aux menaces qui pèsent sur lui. Avec une candeur qui témoigne de son manque d’expérience face aux travers des hommes, il exprime à contretemps des considérations positives là où elles sont déplacées : les « belles prières » et le « dévotement » ont du mal à cohabiter avec le raffinement des tortures puisque les suppliciés sont « brulés à petit feu ». De plus, il ne trouve rien à redire à son « cachot très frais » avec un « beau crucifix ». Son emprisonnement dans les geôles de l’Inquisition n’est mentionné que par une formule ironiquement laconique : « Je restai là six semaines ». On peut pourtant aisément imaginer que ses six semaines ont été terribles. Cachot et prison deviennent par antiphrase « des appartements » dans lesquels Scarmentado est simplement mal logé. Ainsi notre voyageur dans son innocence nous en donne-t-il une image caricaturale : ses représentants se comportent avec une politesse doucereuse : on l’« envoya prier », « tendrement ». Une fois encore on pourra noter le contre-emploi ironique de l’adverbe « sincèrement ». Le comble de l’ironie est atteint lorsque le père inquisiteur dit à