A la marquise du chatelet
Ainsi donc cent beautés nouvellesVont fixer vos brillants espritsVous renoncez aux étincelles,Aux feux follets de mes écritsPour des lumières immortelles ;Et le sublime MaupertuisVient éclipser mes bagatelles.Je n’en suis fâché ni surpris ;Un esprit vrai doit être éprisPour des vérités éternelles :Mais ces vérités que sont-elles ?Quel est leur usage et leur prix ?Du vrai savant que je chérisLa raison ferme et lumineuseVous montrera les cieux décrits,Et d’une main audacieuseVous dévoilera les replisDe la nature ténébreuse :Mais, sans le secret d’être heureuse,Il ne vous aura rien appris.
Voltaire, Épîtres, stances et odes
A George Sand (VI)Porte ta vie ailleurs, ô toi qui fus ma vie ;Verse ailleurs ce trésor que j’avais pour tout bien.Va chercher d’autres lieux, toi qui fus ma patrie,Va fleurir, ô soleil, ô ma belle chérie,Fais riche un autre amour et souviens-toi du mien.
Laisse mon souvenir te suivre loin de France ;Qu’il parte sur ton coeur, pauvre bouquet fané,Lorsque tu l’as cueilli, j’ai connu l’Espérance,Je croyais au bonheur, et toute ma souffranceEst de l’avoir perdu sans te l’avoir donné.
Alfred de MussetA MademoiselleOui, femmes, quoi qu’on puisse dire,Vous avez le fatal pouvoirDe nous jeter par un sourireDans l’ivresse ou le désespoir.
Oui, deux mots, le silence même,Un regard distrait ou moqueur,Peuvent donner à qui vous aimeUn coup de poignard dans le coeur.
Oui, votre orgueil doit être immense,Car, grâce à notre lâcheté,Rien n’égale votre puissance,Sinon votre fragilité.
Mais toute puissance sur terreMeurt quand l’abus en est trop grand,Et qui sait souffrir et se taireS’éloigne de vous en pleurant.
Quel que soit le mal qu’il endure,Son triste rôle est le plus beau.J’aime encor mieux notre torture
Alfred de Musset
OndineTon rire est clair, ta caresse est profonde,Tes froids baisers aiment le mal qu’ils font ;Tes yeux sont bleus comme un lotus sur l’onde,Et les lys d’eau sont