"A une passante" de baudelaire
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Aile et noble, avec sa jambe de statue,
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douleur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair…puis la nuit !-Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te reverrais-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! Trop tard ! J’aimais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimé, ô toi qui le savais !
Baudelaire
Dans ce poème, Baudelaire nous livre la description d’une « passante » qui l’a émerveillé (« fastueuse » vers 3, « agile et noble » vers 5). Cette dernière est mise en avant par le contraste entre elle et la rue personnifiée (« La rue assourdissante autours de moi hurlait » vers 1). Ce poème est d’abord un digne représentant de son genre par sa forme fixe (sonnet), cet aspect visuel et sonore (rime) contribue à inciter le lecteur à poursuivre son étude. On peut ajouter à cela un vocabulaire particulièrement recherché « majestueuse » vers 2, « fastueuse » vers 3, « extravagant » vers 6. Cette rencontre paraît anodine et autobiographique. En effet cette femme ne semble pas inconnue de l’auteur car il l’a tutoie (« Ne te reverrai-je plus » vers 11). Baudelaire décrit ici une réalité unanime, la brièveté et la joie d’une rencontre que l’on peut faire à n’importe quel moment de sa vie. Notamment dans le vers 9 « Un éclair…puis la nuit », l’auteur traduit la brièveté de cette rencontre par « la nuit » puis vient enfin la nuit. Cela suggère par l’éclair la blancheur et la clarté mais vint ensuite l’oubli et l’absence car ce dernier sentiment pousse l’auteur ainsi que le lecteur à se questionner qu’est-elle devenue (cf : « car j’ignore où tu fuis » vers 13). Ce poème nous évoque