L'ile des esclaves de marivaux scène 6
Le théâtre de Marivaux est caractérisé par le goût du travestissement, utilisé en général dans des intrigues amoureuses. Dans L'Ile des Esclaves au contraire, ce thème est exploité de façon originale, puisqu'associé à une réflexion plutôt politique: l'échange maîtres / valets sur l'ordre de Trivelin a pour but le fait que les maîtres changent de comportements envers les gens. Dans cet extrait, Trivelin s'est retiré pour un moment, les valets prennent le rôle des maîtres dans une parodie de scène d'amour à la façon des maîtres. arlequin, pour tromper son ennui et s'amuser un peu, prétend faire la cour à Cléanthis. Tous deux se promènent donc après avoir éloigné leurs anciens maîtres. Ce jeu donne à la scène une tonalité comique. Mais à l'intérieur de la pièce, cet amusement prend une dimension politique et morale particulière.
Lecture
ARLEQUIN, à Iphicrate : Qu'on se retire à dix pas.
Iphicrate et Euphrosine s'éloignent en faisant des gestes d'étonnement et de douleur. Cléanthis regarde aller Iphicrate, et Arlequin, Euphrosine.
ARLEQUIN, se promenant sur le théâtre avec Cléanthis : Remarquez-vous, Madame, la clarté du jour ?
CLEANTHIS : Il fait le plus beau temps du monde ; on appelle cela un jour tendre.
ARLEQUIN : Un jour tendre ? Je ressemble donc au jour, Madame.
CLEANTHIS : Comment ! Vous lui ressemblez ?
ARLEQUIN : Eh palsambleu ! le moyen de n'être pas tendre, quand on se trouve en tête à tête avec vos grâces ? (A ce mot, il saute de joie.) Oh ! oh ! oh! oh !
CLEANTHIS : Qu'avez-vous donc ? Vous défigurez notre conversation.
ARLEQUIN : Oh ! ce n'est rien : c'est que je m'applaudis.
CLEANTHIS : Rayez ces applaudissements, ils nous dérangent. (Continuant.) Je savais bien que mes grâces entreraient pour quelque chose ici, Monsieur, vous êtes galant ; vous vous promenez avec moi, vous me dites des douceurs ; mais finissons, en voilà assez, je vous dispense des compliments.
ARLEQUIN : Et moi je vous remercie de vos dispenses.