L'émergence du contremaitre
François JARRIGE ,maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne (Centre Georges Chevrier, UMR CNRS 5605) et Cécile CHALMIN on cherché à montrer ici l'ambivalence du rôle de contremaitre, autorité en construction dans l'industrie textile français entre 1800 et 1860.
Durant la première moitié du XIXe siècle, la suppression des corporations où le maître était défini sous les traits de l’autorité paternelle et l’effritement du cadre traditionnel de l’atelier artisanal obligent à une reconfiguration complète de l’autorité sur le lieu de travail. L’émergence progressive de la figure du contremaitre résulte de ces transformations. Le terme préexiste à la Révolution française, mais ce sont l’industrialisation et les nouvelles exigences techniques et disciplinaires qu’elle suscite qui favorisent la généralisation de cette fonction. Dans l’industrie textile, la fonction de contremaitre émerge peu à peu pour surveiller les travailleurs, stimuler les flux productifs, accompagner la mécanisation. Par-delà les discours patronaux et normatifs qui représentent le contremaitre comme un ouvrier compétent et intelligent, comme le garant du bon ordre manufacturier, l’étude des interactions quotidiennes dans l’atelier révèle l’ambivalence de sa position. L’usine de la première industrialisation reste dominée par la faiblesse des structures hiérarchiques et le maintien de nombreuses sphères d’autonomie ouvrière, la position du contremaitre est souvent précaire et l’exercice de son autorité incertaine.
Le contremaître : un ouvrier parmi les autres ? contremaitre :nommé par les patrons, il est leur représentant pour la surveillance et la coordination de la main-d'œuvre. La plupart d’entre eux sont issus des rangs ouvriers. Lors de l’introduction de nouvelles techniques de production, les techniciens employés revêtent souvent le titre de contremaitre : chargés de la mise en place des nouveaux procédés, ils dirigent les