L’art est-il une reproduction de la nature ou une invention ?
Un impérieux désir de beauté habite le cœur de l’homme. Que cette beauté nous apparaisse comme une promesse de bonheur ou comme une simple valeur d’ordre sensible, peu importe ! Nous en subissons l’attrait et en éprouvons l’intime exigence. C’est pourquoi la plupart des artistes et des critiques d’art se sont demandé quel est le sens des formes artistiques, pourquoi elles naissent et meurent, comment elles évoluent. Avec Diderot, Mme de Staël, Stendhal, Hugo, Gautier, Flaubert, Mallarmé, Malraux, les théories se sont succédé en matière de représentation (art figuratif ou abstrait) d’expression (art formel ou informel) et de signification. Pour sa part en 1859, Baudelaire affirmait : « Je crois que l’Art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature ». Au contraire, un critique de la Revue des Deux Mondes déclarait quelques années plus tard : « L’Art est dans le choix, dans l’interprétation des éléments qui lui sont offerts, nullement dans la copie littérale de tel ou tel détail indifférent ou repoussant ». Ces deux points de vue antagonistes méritent tout d’abord une définition très précise des termes "Art" et "Nature". Alors seulement nous pourrons indiquer laquelle de ces deux conceptions esthétiques nous paraît la plus satisfaisante.
I. Définition des termes
À l’origine le mot latin "Ars" désigne le savoir-faire matériel, il correspondait au mot actuel ’’technique". Art désigne ensuite toute activité avisée, toute manière appropriée de fabriquer quelque objet ou d’agir utilement. L’objet peut être matériel : meuble ou procédure thérapeutique comme la saignée, ou intellectuel : un discours ou art oratoire, guerre ou art militaire. Ce mot peut aussi désigner la création artistique. Ainsi désignant toute activité intelligente et réfléchie, il s’oppose au mot nature. Ce n’est pas cependant dans ce sens qu’il est utilisé dans les citations qui nous intéressent. Il ne faut pas plus rechercher sa signification dans un synonyme