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Roger Botte
Le droit contre l’esclavage au Niger*
Contre ceux qui pensaient l’esclavage révolu sous sa forme archaïque ou canonique – un pouvoir exercé par une personne sur une autre et des relations maître/esclave fondées sur l’exploitation directe du second par le premier –, une enquête conduite au Niger, auprès de
11 001 esclaves, par l’organisation antiesclavagiste
Timidria met en évidence des données incontestables : l’esclavage existe dans les faits et ses structures sociales génèrent toujours des assujettissements bien actuels.
L’esclavage
Au Niger, plus d’un siècle après son abolition formelle par la colonisation, l’esclavage résiste toujours à l’acte juridique et politique qui, en principe, devait conduire à sa suppression. Chez les populations arabes, peuls, toubous et touaregs, des maîtres continuent de disposer à leur guise d’esclaves, de leur travail, de leurs enfants et de leurs biens. En outre, partout, y compris au sein des populations zerma-songhays et haoussas, des représentations stéréotypées alimentant un racisme ordinaire, des survivances psychologiques et des discriminations diverses fondées sur l’ascendance (notamment à l’occasion du mariage 1) affectent toujours les rapports sociaux et ce jusque
* Ce texte s'appuie sur le dossier établi par Timidria (une association antiesclavagiste) pour exposer sa base de données sur l'esclavage : « L'esclavage au Niger : aspects historiques, juridiques et statistiques »,
Niamey, mai 2003. J'ai largement puisé dans les contributions de Kadir Abdelkader Galy et de
Mahaman Laouali Dandah qui nourrissent ce dossier. Je tiens à les en remercier très vivement.
Enfin, j'ai conduit divers entretiens pour vérifier et préciser de nombreux points.
1. En 2002, un officier supérieur des forces armées publie et distribue les cartons d’invitation à son mariage avec une femme, médecin de son état. Les invités présents à la cérémonie religieuse s’entendent annoncer que le