Pour ces nouveaux travaux, l’époque de la Première Guerre mondiale représente un tournant majeur et durable du régime d’accumulation privée de la richesse au cours des deux derniers siècles. Bourdieu et al. (2003) ont montré par exemple que les inégalités de patrimoine se sont accentuées au cours du XIXème siècle : de moins en moins de gens laissent une succession dans la population totale jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Selon les auteurs, leur part relative « touche le fond » au début des années 1920, pour augmenter de façon continue par la suite. Alors que l’urbanisation et l’industrialisation avaient fait diminuer le nombre des « riches » parmi les décédés, à partir de 1920 – semble-t-il – le mouvement s’inverse Autre changement majeur, après 1914-1918 : pour la première fois dans l’histoire européenne, un grand traité de paix ne fut pas négocié avec le vaincu, mais imposé à lui. Rupture plus importante encore : l’ensemble des traités de 1919-1920 (le traité de Versailles y compris ses clauses économiques, le Pacte de la SDN, les traités conclus avec l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Hongrie, et les traités concernant les minorités conclus avec les « États successeurs ») constitua un véritable système juridique, politique et idéologique, en rupture nette
(mais cependant pas complète) avec l’ancien concert européen.
Traditionnellement, en effet, les traités de paix européens visaient à établir ou à rétablir un équilibre entre les puissances, beaucoup plus qu’à imposer une conception de l’ordre international ou une idéologie
(la Sainte Alliance de 1815, idéologique et réactionnaire, était indépendante juridiquement des traités de Vienne et, à la différence de ceux-ci, déjà caduque dès le milieu des années 182010). Mais la rupture de 1919 fut justement délibérée, le concert européen étant accusé d’avoir favorisé l’impérialisme des grandes puissances aux dépens des petites et des « nationalités opprimées » et