Albert camus les justes acte 1
Camus et Les Justes, une pièce contre les idéologies
C’est donc un Camus humain, humaniste, qui parle dans Les Justes. Un Camus qui, contrairement à nombre de ses confrères, dont Sartre, ne put jamais faire passer l’idéologie en premier. L’écrivain se montra toujours soucieux du bonheur incarné et du dialogue avec de véritables êtres humains de chair et d’os, qu’il ne se permettra jamais de réduire à des abstractions (la classe, le peuple, l’ennemi) ou à de simples moyens qu’on pourrait broyer en vue de « lendemains qui chantent ». Certes, il s’agit d’assumer ses responsabilités historiques, mais pour la vie heureuse, pas pour la mort héroïque mise au dessus de tout par l’abstraction des partis et des idées. Camus et Les Justes, une tragédie moderne
Les Justes, c’est certain, viennent nous dire que le terrorisme est indéfendable, mais Camus parle ici en homme de théâtre : pièce engagée certes, mais pas pièce à thèse. Le discours de l’auteur s’incarne dans des personnages, évite la caricature : Kaliayev repousse son attentat parce qu’il a vu le grand-duc accompagné d’enfants, mais il finit quand même par lancer la bombe. Alors, se présente-t-il à nous comme un juste ou bien un criminel ? En vérité, nous sommes ici dans la tragédie, renouvelée par Camus : héros tragique, Kaliayev se trouve dans une impasse : restant soumis à l’idée révolutionnaire, il n’a d’autre choix, pour se justifier, que de lancer la bombe. Comme le héros tragique, la mort est sa justification. Mais il échappe aussi à l’amour, celui de Dora ; un amour bien concret avec une femme. Le face à face avec Dora révèle un autre aspect de la tragédie camusienne : les protagonistes se présentent en héros sacrifiés, qui ne