La rupture à l’égard des normes s’est manifestée en particulier par le recours au vers libre et, surtout par la suppression de la ponctuation. Apollinaire l’a supprimée dans des vers réguliers. Ainsi l’unité rythmique du vers n’est pas concurrencée par la syntaxe ; il n’y a pas de pause, même là où le sens l'exige et il y en a là où il ne l'exige pas : la versification prend à contre-pied les règles du discours normal. Cette innovation permet toutes modifications rythmiques et multiplie les possibilités d'interprétation. Elle donne donc une large liberté au lecteur qui peut exprimer son émotion par ses choix de lecture. Ce qui est moderne dans la poésie traditionnelle. L'univers d'”Alcools” est ancré dans la modernité, en particulier dans celle du monde urbain. La grande ville est présente dans "La chanson du mal-aimé" («Un soir de demi-brume à Londres» - "Les sept-épées" : «Soirs de Paris ivres du gin / Flambant de l'électricité / Les tramways feux verts sur l'échine / Musiquent au long des portées / De rails leur folie de machines») ou dans "Le pont Mirabeau" dont le titre évoque explicitement Paris. Le ton est donné dès le premier poème, "Zone", aux références et à la présence d’éléments très contemporains : «les automobiles», «les hangars de Port-Aviation», «les affiches», «cette rue industrielle», «des troupeaux d'autobus», «le zinc d'un bar crapuleux». Quant au dernier poème, "Vendémiaire", il dresse une sorte de panorama urbain universel : «J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde / Venez toutes couler dans ma gorge profonde.» Par la poésie du quotidien, Apollinaire fait poser un regard neuf sur les choses communes pour nous aujourd’hui. Toutefois, la poésie donne une vision de l’habituel comme quelque chose de pas commun, notamment grâce à la richesse des images. Certaines, rencontrées fréquemment dans le recueil, contribuent à cet effet. Le flux de l'eau est quasi-omniprésent, mais de façon toujours renouvelée, associé au