Almodóvar et le désir
No decía palabras,
Acercaba tan sólo su cuerpo interrogante,
Porque ignoraba que el deseo es una pregunta
Cuya respuesta no existe,
Una hoja cuya rama no existe,
Un mundo cuyo cielo no existe.
Ces vers du poète andalou Luis Cernuda semblent résumer l’enjeu central de l’oeuvre de Pedro Almodóvar: le désir, ce sentiment que l’on a du mal à expliquer, par lequel nous nous laissons parfois conduire aveuglément, souvent au prix de conséquences inattendues, indésirables voire même sérieuses. Depuis ses premiers films, les personnages du cinéaste de la Mancha sont marqués par une vulnérabilité extrême à cette force. Ce désir sans bornes et hyper-puissant, proche de l’obsession, s’est imposé comme l’élément central du monde almodovarien. Le réalisateur s’en est servi tout au long de sa filmographie, qui compte aujourd’hui 18 long-métrages, du succès underground de “Pepi, Luci, Bom...” à Madrid jusqu’au phénomène global de “La Piel que Habito”. Ce n’est donc pas par hasard que la maison de production fondée par Pedro et son frère Augustín en 1986 porte le nom “El Deseo”.
Vue la très importante projection mondiale qu’a gagnée Pedro Almodóvar, à qui l’on à attribué une énorme quantité de prix, y compris un Oscar du meilleur film étranger en 1999 pour “Todo Sobre mi Madre”, il ne fait aucun doute que sa formule a réussi. Cela ne va pas sans quelques paradoxes - d’ailleurs, le paradoxe est un élément souvent évoqué par Almodóvar lui même pour décrire son oeuvre et sa propre vie; d’abord, nous pouvons nous demander comment il est possible que ce cinéma du désir , si riche et intense, puisse émerger en Espagne peu après une longue période de répression morale par le franquisme, qui a eu comme conséquence une forte censure, et, par là même, une production artistique peu excitante. Ensuite, nous pouvons nous demander comment le réalisateur espagnol a réussi à exploiter le désir comme une puissante ressource cinématographique, sans