Am Lie Nothomb Sans Nom
SANS NOM
ELLE
©Amélie Nothomb & HFA, 2001.
IL EST UN LIEUde cette planète qui est aussi mal connu que le Sud : c’est le Nord. Les propos que l’on rapporte au sujet du Midi sont aberrants ; ce que l’on dit du septentrion l’est tout autant.
C’est logique : on ne peut discréditer l’un sans déshonorer l’autre.
Je tiens à rendre justice à ces deux pôles de notre géographie et de nos métaphysiques. Un jour, je raconterai les hauts faits du Grand Sud que j’aime tant. Si je décide de commencer par une légende du
Nord, c’est pour cette seule raison que j’ai froid depuis trois nuits : mon esprit s’est enfoncé au nord de lui-même. Ma plume s’en accommodera.
Il est un lieu de cette planète qui m’est aussi précieux que le Sud : c’est le Nord. Plutôt que de disserter sur les splendeurs boréales, je me propose de les évoquer par un récit dont je suis l’unique dépositaire, sans savoir pourquoi ce privilège m’est échu.
Je sais encore moins pourquoi cette histoire me vient à la première personne du singulier. Ne me demandez pas qui se cache derrière ce « je » innombrable : je n’en ai aucune idée. On savait déjà que je était un autre. Je découvre que je est une multitude d’autres qui se servent de ma plume pour raconter. Je cède la parole au je du septentrion.
C’était en Finlande, quelque part entre Faaaa et Aaaaa.
J’étais parti trois jours auparavant, à la recherche de la dame de mes pensées, car dans le Nord, si l’on part en voyage, c’est que l’on cherche la dame de ses pensées. (C’est l’un des points communs les plus étranges entre le Nord et le Sud.)
Cédant à une impulsion sottement romantique, je n’étais pas parti au volant de ma traction avant
Finlandia ZX, mais d’un traîneau tiré par des chiens exotiques.
Le premier jour m’avait semblé d’une beauté insoutenable. C’était au cœur de l’hiver. Mon attelage était parti dans la neige vers sept heures du matin ; il faisait nuit noire. Le jour s’était levé à onze heures du matin.
Le temps de prendre conscience de