Annales brevet français 3ème 2012
(Le texte-support est à conserver durant toute la durée de l’épreuve)
Alain Rémond Chaque jour est un adieu Éditions du Seuil, 2000 Dans son ouvrage Chaque jour est un adieu, l'auteur Alain Rémond évoque son enfance passée à Trans, village de Bretagne, "trou perdu en pleine campagne" où le narrateur a vécu comme" au paradis terrestre" . Les parents et les dix enfants, sa "tribu ", y arrivent en 1952. Aujourd'hui, journaliste et écrivain, il vit à Paris. 1 Quand on voulait se faire couper les cheveux, on allait chez le menuisier. Le samedi soir, il changeait de métier, recevait dans sa cuisine. On s'asseyait autour de la table, en attendant notre tour. Le menuisier sortait sa tondeuse mécanique et il coupait tranquillement, en prenant tout son temps, la cigarette papier maïs aux lèvres, la cendre qui nous dégringolait dans le cou. Il coiffait les hommes, exclusivement. Les vieux buvaient un coup, fumaient, discutaient, racontaient tous les potins du bourg, se rappelaient de vieilles histoires de famille, de fermes, de clôtures. Nous, les enfants, on écoutait, fascinés. Fallait surtout pas être pressés. On ressortait de la cuisine du menuisier à la nuit noire, la tête bien fraîche : son style, au menuisier, c'était la coupe au bol, bien dégagé très haut sur les oreilles et dans la nuque. Quand on rentrait à la maison, les autres se moquaient de nous. Pas grave : ils y passeraient à leur tour. [...] Juste à côté de la maison, il y avait un boucher, qui possédait son propre abattoir. On était tout le temps fourrés chez lui, dans sa cour, à le regarder tuer les bêtes. Bien sûr, ça impressionnait, mais, à force, on s'habituait. Lui, ce qu'il ne supportait pas, c'était de tuer des agneaux. Il pleurait, quand il tuait des agneaux. Le reste, les veaux, les cochons, c'était son boulot et on adorait se faire peur en le regardant faire son boulot. Mais la cour du boucher, c'était aussi le rite de la lessiveuse. Ma mère faisait bouillir le