Antelme

749 mots 3 pages
Robert Antelme, L'espèce humaine, 1947

« À nous-mêmes ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable», écrit Robert Antelme pour montrer la difficulté de parler au retour de la déportation. Et pourtant, L’Espèce humaine tente de mettre en mots une tentative bien réelle de la déshumanisation.

Dehors, la vallée est noire. Aucun bruit n'en arrive. Les chiens dor­ment d'un sommeil sain et repu. Les arbres respirent calmement. Les insectes nocturnes se nourrissent dans les prés. Les feuilles transpirent, et l'air se gorge d'eau. Les prés se couvrent de rosée et brilleront tout à l'heure au soleil. Ils sont là, tout près, on doit pouvoir les toucher, caresser cet immense pelage. Qu'est-ce qui se caresse et comment caresse-t-on ? Qu'est-ce qui est doux aux doigts, qu'est-ce qui est seulement à être caressé ?
Jamais on n'aura été aussi sensible à la santé de la nature. Jamais on n'aura été aussi près de confondre avec la toute-puissance de l'arbre qui sera sûrement encore vivant demain. On a oublié tout ce qui meurt et qui pourrit dans cette nuit forte, et les bêtes malades et seules. La mort a été chassée par nous des choses de la nature, parce que l'on n'y voit aucun génie qui s'exerce contre elles et les poursuive. Nous nous sentons comme ayant pompé tout pourrissement possible. Ce qui est dans cette salle apparaît comme la maladie extraordinaire, et notre mort ici comme la seule véritable. Si ressemblants aux bêtes, toute bête nous est devenue somptueuse ; si semblables à toute plante pourrissante, le destin de cette plante nous paraît aussi luxueux que celui qui s'achève par la mort dans le lit. Nous sommes au point de ressembler à tout ce qui ne se bat que pour manger et meurt de ne pas manger, au point de nous nive­ler sur une autre espèce, qui ne sera jamais nôtre et vers laquelle on tend ; mais celle-ci qui vit du moins selon sa loi authentique - les bêtes ne peuvent pas devenir plus bêtes - apparaît aussi somptueuse que la nôtre «

en relation

  • Atonalié
    3382 mots | 14 pages
  • Anat
    926 mots | 4 pages
  • Arame
    450 mots | 2 pages
  • Pierre de ronsard, j'ai l'esprit tout ennuyé
    704 mots | 3 pages
  • Méditations poétiques
    5183 mots | 21 pages
  • grec
    1078 mots | 5 pages
  • Attali
    4908 mots | 20 pages
  • Le malade imaginaire
    530 mots | 3 pages
  • Ademe
    264 mots | 2 pages
  • 18965340 101 MQ dev2F 3 BERA14529307
    929 mots | 4 pages
  • Adetem
    9180 mots | 37 pages
  • Attalli
    791 mots | 4 pages
  • Anthologie
    2376 mots | 10 pages
  • Anes
    642 mots | 3 pages
  • Dissertation: « la mort donne-t-elle un sens à la vie » ?
    1324 mots | 6 pages