Anthologie poétique "femmes"
I- L'amour:
Pierre de Ronsard- Sonnet à Marie
Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies;
Qui ne les eût à ce vêpre cueillies,
Chutes à terre elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu’elles soient fleuries,
En peu de temps cherront toutes flétries,
Et, comme fleurs, périront tout soudain.
Le temps s’en va, le temps s’en va, ma dame;
Las! le temps, non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame;
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n’en sera plus nouvelle.
Pour c’aimez-moi cependant qu’êtes belle.
Recueil: Continuation des Amours (1555)
Commentaire:
Marie Dupin, jeune paysanne de Bourgueil. Il lui envoie ici un poème de 14 décasyllabes pour accompagner un bouquet de fleurs. Une nouvelle fois, il associe à la beauté des fleurs l’hommage amoureux, mais aussi la conviction de la brièveté de la vie. Ce poème est constitué de trois phrases, une par quatrain, et une seule pour les deux tercets. La hantise toute ronsardienne du temps qui passe donne à ce poème dont le thème n’est pas nouveau un caractère authentique de part sa simplicité et son émotion. Ronsard cherche à séduire Marie en lui faisant lucidement partager son angoisse. Le poème prend une profondeur nouvelle quand on songe que Marie mourra jeune.
Paul Verlaine- Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.
Son regard est pareil au regard