Anthologie poétique sur le thème de la folie
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
- On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
Commentaire :
Le poème Ophélie, écrit par Arthur Rimbaud, extrait du recueil « Poésies » reprend le thème shakespearien de l'héroïne d'Hamlet, Ophélie. Dans Hamlet, l’héroïne de Shakespeare est amoureuse du prince, mais incapable de comprendre sa folle quête de la vérité, finit par sombrer dans la folie, quand elle se croit abandonnée de son amant, et par se noyer de désespoir. La quête poétique débouche à la fin sur la parole étranglée, sur un ultime et définitif silence, celui de l’enfant noyé, celui du "pauvre fou", celui du poète, victime de son "rêve". De manière plus symbolique, il n’est pas faux d’avancer que la triste Ophélie ne peut que dériver sur le fleuve de la folie.
Cauchemar, de Paul Verlaine (1844-1896)
J'ai vu passer dans mon rêve
- Tel l'ouragan sur la grève, -
D'une main tenant un glaive
Et de l'autre un sablier,
Ce cavalier
Des ballades d'Allemagne
Qu'à travers ville et campagne,
Et du fleuve à la montagne,
Et des forêts au vallon,
Un étalon
Rouge-flamme et noir d'ébène,
Sans bride, ni mors, ni rêne,
Ni hop ! ni cravache, entraîne
Parmi des râlements sourds
Toujours ! toujours !
Un grand