ANTHOLOGIE

Lune atique

Plastrons d’astre et d’ivoire où se couche le temps,
La lune et son linceul, effarouchant la nuit,
D’une larme perlée, à la saveur de suie,
Percent sommeils et cieux, à pas de revenants.
A peine appareillé, son pur vaisseau d’argent
Quitte temples et ports, puis lentement s’enfuit
Vers ces sphères du soir où se glissent des pluies
Dont les plumes d’onyx se tapissent de sang
De vastes salles d’or qu’engouffrent les abysses
Dégoulinent de feu, s’attachant au festin
De rêves alléchés par un goût de réglisse.
Les îles alentour s’éteignent une à une,
Et la Grèce apaisée déclame son destin
Sous le rayon brillant d’une mèche de lune.
Francis Etienne Sicard, Odalisques, 1995

Dans ce poème en alexandrins Etienne Sicard propose une très belle description de la lune. Il associe la fuite du temps et la beauté de la nature en donnant à la lune un statut supérieur, loin des abus et imperfections de la terre elle appartient à un genre plus noble et pur ( d' où le nom Lune attique , il y a une polysémie du mot attique qui désigne une région de la Grèce autour d' Athènes, lieux ou se déroule une partie du poème, mais aussi en architecture le terme attique qualifie la partie supérieure qui vient couronner une construction, puis il y a le jeu de mot avec lunatique, une personne dont l'humeur change souvent, qui apporte une touche d'humour au poème).
Le temps est le moteur qui habite et déplace la lune est qui une fois la nuit écoulée retourne sur terre. Les ravages du temps sont évoqués par « Et la Grèce apaisée déclame son destin » qu' on peut comprendre comme : chaque soir le destin de ce pays est marqué par un soleil couchant est un bout de lune qui s apprête a tracé une courbe dans le ciel. Et on peut aller plus loin en affirmant que quasiment les même phénomènes ont lieux et que le temps défile sous les yeux de tout un chacun, transformant la Grèce au passée si glorieux (temples, statues, palais...) en ruines poussiéreuses de la même manière que Rome.