Anthropologie
"Je trouve le sujet assez grave. Ce qui m'effraye le plus, dans notre société, et je suis souvent revenu là-dessus, est l'espace entre les connaissances établies par les sciences sociales et leurs prises en compte au niveau politique. Nous avons effectivement cette idée que les sciences "utiles" sont celles qui se rentabilisent le plus immédiatement dans des professions techniques ou commerciales, celles qui "permettent de trouver un emploi" (circulairement, dans un système qui définit par le même biais quels types d'emplois sont à créer). Les sciences sociales sont vues comme subsidiaires, sans intérêt pratique. Or la population est sans cesse consultée (via les votations en Suisse ou les élections en France) sur les choix politiques et sociétaux censés améliorer la vie, sur des questions à chaque fois posées comme fondamentales et auxquelles on demande aux gens de répondre dans l'ignorance la plus complète. La base de connaissance nécessaire à de telles décisions est à peine évoquée lors d'articles, débats ou propagandes superficielles, et dans les questions de comptoirs qui sont échangées dans le présupposé que les réponses sont inaccessibles.
Il y a là une terrifiante hypocrisie. Si l'on donne de l'importance aux choix politiques, il faut donner de l'importance à ce qui seul peut fonder un choix éclairé : la connaissance de l'humain. Ses conséquences se retrouvent au niveau juridique, qui est un espace moins sonore que celui des porte-monnaies et des technologies audiovisuelles,