Antigone voilée
Le héros de ce roman, un Bédouin né dans « un village perdu au large du désert irakien » se méfie depuis toujours des grosses villes. Une grande lucidité traverse cette écriture, et, même lorsqu’il tombe dans la tentation du terrorisme, l’empêche d’être jusqu’au bout complice de l’ambiguïté de ce Moyen Orient par rapport à l’ennemi occidental. Il analyse la différence abyssale de culture au cœur du malentendu sanglant, et se bat, en écrivant, pour faire reconnaître une sorte de suprématie dans l’intériorisation des lois structurant les rapports humains dans la civilisation du Moyen Orient contre une sorte d’avilisation des mœurs côté occidental à cause du règne de l’argent. Lorsque le héros, à Bagdad, se prépare à tomber dans le terrorisme, la préparation d’attentat, pour venger l’honneur de son père (lors de recherche d’armes dans ce village jusque-là paisible, ce père est abattu par un GI, et en tombant à la renverse il dévoile aux yeux de tous ses organes génitaux, ce qui est un désastre incommensurable pour son fils, désastre qu’un Occidental ne peut comprendre), un ami le met en garde, il doit se battre pour son pays, et non pas contre l’ennemi.
C’est pour cela que le roman commence par l’évocation de Beyrouth, de son ambiguïté terrible. « Les volte-face de Beyrouth me filent le tournis...Beyrouth est une affaire bâclée ; son martyre est feint, ses larmes sont de crocodile - je la hais de toutes mes forces, pour ses sursauts d’orgueil qui n’ont pas plus de cran que de suite dans les idées, pour son cul entre deux chaises, tantôt arabe quand les caisses sont vides, tantôt occidentale lorsque les complots sont payants. Ce qu’elle sanctifie le matin, elle l’abjure la nuit ... et elle court après son malheur comme une furieuse aigrie qui pense trouver ailleurs ce qui est à portée de mains... »
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