Ariette i
C'est l'extase langoureuse,
C'est la fatigue amoureuse,
C'est tous les frissons des bois
Parmi l'étreinte des brises.
C'est, vers les ramures grises.
Le chœur des petites voix.
Ô le frêle et frais murmure
Cela gazouille et susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l'herbe agitée expire..
Tu dirais, sous l'eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.
Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante
C'est la nôtre, n'est-ce pas ?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s'exhale l'humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas ?
Nous avons choisi ce poème pour évoquer la fusion d'un état d'âme et d'un paysage par les synesthésies. Nous allons en faire une étude linéaire. Verlaine débute son poème avec un certain bonheur de vivre par : « c'est l'extase langoureuse, c'est la fatigue amoureuse » (vers 1 et 2), deux vers marqués par un rythme lent, qui accentuent l'aspect de la satisfaction. Ensuite interviennent le paysage et la nature avec : « c'est tous les frissons des bois parmi l'étreinte des brises » (vers3 et 4). Les « bois » (vers 3), les « brises » (vers 4) et les « ramures grises » (vers 5) servent à mettre en place les synesthésies : « frissons » et « étreinte ». On remarquera que les sensations sont au niveau du toucher. En fin de sizain, nous entendons le chœur des petites voix qui se situe au niveau de l'entendu. Verlaine véhicule ses états d'âme par le biais des bois et de la brise. Le deuxième sizain débute sur l'interjection « O » (vers 7) suivi d'une allitération en « fr » : « frêle et frais murmure ». Nous pouvons supposer qu'avec le mot « frais » un élément liquide ou de fraîcheur va apparaître. Verlaine utilise une oxymore avec « cri doux » (vers 9). Tout le vers est une interrogation. Nous sommes suspendus au rythme du vers et nous attendons la chute. Mais nous restons sur « ... » qui ne répond pas à notre question « que l'herbe agitée expire... ». L'herbe qui expire est une métaphore de la mort comme