Avare molière
Le succès de l’Avare est posthume. Alors que, dans les registres de la Comédie-Française, cette pièce occupe la deuxième place (2 078 représentations de 1680 à 1963) de la statistique moliéresque derrière le Tartuffe, l’accueil des contemporains fut nettement plus frais: une médiocre recette de 1 069 livres le soir de la première — à titre de comparaison, la première de l’École des femmes avait rapporté 1 518 livres —, neuf représentations seulement en un mois. Grimarest, le biographe de Molière, avance une explication: «La prose dérouta les spectateurs.» Il est vrai que la grande comédie, dans son effort pour conquérir la respectabilité dramatique, se plie aux normes du modèle tragique — cinq actes en vers —, mais la prose de Dom Juan n’avait nullement, en 1665, rebuté le spectateur. Lassitude du public? Molière vient de donner, cette même année 1668, Amphitryon en janvier et George Dandin en juillet. En tout cas, si un espoir de remontée subsistait pour l’Avare, il fut balayé par le triomphe du Tartuffe enfin autorisé au début de 1669.
Les sources de l’Avare étaient trop «classiques» ou apparentes pour que la pièce pût espérer un succès de scandale. Molière s’inspire largement de l’Aulularia [la Marmite] de Plaute, dont il avait déjà imité l’Amphitruo quelques mois auparavant. Au dramaturge latin, il demande le personnage du ladre (Euclion) qui cache un trésor puis se le fait voler par un esclave, celui de l’amoureux accusé du forfait mais croyant qu’on lui reproche d’avoir ravi le cœur de Phédrie (fille d’Euclion), les mots fameux de l’acte I: «les autres [mains]» et le «sans dot». Molière a trouvé chez son confrère Boisrobert — la Belle Plaideuse (1655) — la scène où sont mis en présence le père usurier et le fils emprunteur, ainsi que l’idée de