black boy
« A regarder manger les Blancs, mon estomac vide se contractait et une colère sourde montait en moi ».
Car le corps, c’est surtout la peau. Chaque personnage ne peut être désigné que par sa couleur – quand bien même l’exercice est difficile et à la limite de l’absurde : « Ma grand-mère était aussi blanche qu’une Négresse pouvait l’être sans être blanche, ce qui veut dire qu’elle était blanche »…
C’est progressivement que l’enfant découvre les rapports entre Noirs et Blancs, au détour d’un « premier baptême d’émotions raciales » (quand un oncle est assassiné dans l’Arkansas) et de la menace permanente du lynchage (« Je n’avais jamais été malmené par des Blancs, mais mes rapports avec eux étaient les mêmes que si j’eusse été lynché plus de mille fois »).
Entre Blancs et Noirs, un gouffre, un front, une rupture essentielle (« je découvrais [que les Blancs] se ressemblaient tous, qu’ils ne différaient que par le détail »). Mais chaque Noir a sa manière de gérer, d’adoucir, de contourner cette rupture. C’est là que le récit de Wright rejoint les analyses presque contemporaines de Frantz Fanon sur les Noirs et leurs rapports aux Blancs dans le contexte colonial français. Wright décrit à quel point les gestes, les paroles, les postures physiques mêmes des Noirs face aux Blancs sont parfaitement calculés, joués, dans le but d’éviter toute confrontation : « Je commençais à m’émerveiller de la facilité avec laquelle les jeunes Noirs jouaient le rôle que leur avait assigné la race blanche. (…) s’était développé chez eux un mécanisme de contrôle délicat et sensible qui écartait automatiquement de leur esprit et de leurs sentiments tout ce que les Blancs avaient déclaré tabou. »
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