Cacaboudin
Je vois bien ce que la colonisation a détruit: les admi-rables civilisations indiennes et que ni Deterding, ni Royal Dutch, ni Standard oil ne me consoleront jamais des Aztè-ques ni des Incas.
Je vois bien celles - condamnées à terme - dans lesquelles elle a introduit un principe de ruine: Océanie, Nigeria, Nyassaland. Je vois moins bien ce qu'elle a apporté.
Sécurité? Culture? Juridisme ? En attendant, je regarde et je vois, partout où il y a, face à face, colonisateurs et colo-nisés, la force, la brutalité, la cruauté, le sadisme, le heurt et, en parodie de la formation culturelle, la fabrication hâtive de quelques milliers de fonctionnaires subalternes, de boys, d'artisans, d'employés de commerce et d'inter-prètes nécessaires à la bonne marche des affaires.
J'ai parlé de contact.
Entre colonisateur et colonisé, il n'y a de place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police, l'impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.
Aucun contact humain, mais des rapports de domina-tion et de soumission qui transforment l'homme colonisa-teur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l'homme indigène en instrument de production.
À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification.
J'entends la tempête. On me parle de progrès, de « réali-sations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d'eux-mêmes.
Moi, je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, des cultures piétinées, d'institutions minées, de terres confis-quées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d'extraordinaires possibilités supprimées.
On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilo-métrages de routes, de canaux, de chemins de fer.
Moi, je parle de milliers d'hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux