Camus - la chute
La Chute dÕAlbert Camus
La Chute, une lecture athŽe de la Gen•se
Christophe TYMEN
Rembrandt, feuille dÕŽtudes avec Adam et Eve
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Ç Sachez donc quÕune fois, en cette courte et belle histoire de la pensŽe, Protagoras a tout dit ; une fois, il a retournŽ comme un sac le syst•me sans espŽrance et sans amour. Une fois et une seule fois, ˆ cette extr•me pointe de lÕaudace, lÕesprit sÕest retrouvŽ par son contraire, et sÕest soutenu et sauvŽ sans aucun secours extŽrieur, sans hypoth•se aucune, sans pieux mensonge, sans enchantement, par une lumineuse prŽsence ˆ lui-m•me. È Alain, IdŽes
n a souvent liŽ lÕÏuvre de Camus au seul gŽnie dÕun lieu. LÕŽrection de ce syst•me quÕon appelle lÕabsurde a portŽ les traits des rivages mŽditerranŽens et des villes basses dont la blancheur refl•te la luminositŽ fulgurante du ciel. La Chute quitte la claire lumi•re dÕAlger ou dÕOran. SÕexiler ˆ Amsterdam est incongru. Pour ce chantre de lÕAlgŽrie si uniment enracinŽ ˆ son sol, les brumes du Zuyderzee et la promiscuitŽ poisseuse dÕun bar ˆ matelots peuvent-elles nÕ•tre que pures fantaisies littŽraires ? Les lieux du rŽcit sont sommaires. Amsterdam nÕest plus une ville, que Camus nÕa dÕailleurs jamais dž traverser quÕoccasionnellement, mais un espace indistinct qui entoure, comme un magma originel, le cÏur des choses, Mexico-City. Revenons ˆ la Gen•se : Ç La terre Žtait vide et vague, les tŽn•bres couvraient lÕab”me È. CÕest ˆ cette Žpoque thŽologique quÕappartient lÕunivers du rŽcit, avant m•me que Dieu ait sŽparŽ la terre des eaux, avant cet impŽratif : Ç Que les eaux qui sont sous le ciel sÕamassent en une seule masse et quÕapparaisse le continent È. Ici, la sŽparation des eaux et des terres est indŽfinie. Le brouillard omniprŽsent rattache Amsterdam transfigurŽe ˆ lÕinnomŽ initial de la mythologie biblique, recrŽe le mythe en le transposant au sein dÕun univers narratif. Cette analogie des lieux place le rŽcit dans un cadre mythique. Mais les lieux ont