Tragique et tragédie: Le tragique ne saurait se réduire à un ensemble de « recettes » théâtrales ou de règles dramatiques. Même si, historiquement, le théâtre a donné au tragique un cadre d'expression idéal, il n'en a pas pour autant le monopole. Cela nous amène à poser la question: qu'est-ce que le tragique? Ce mot désigne une vision particulière du monde et de la vie, où l'homme est aux prises avec des forces qui le dépassent et finalement, le détruisent, ou du moins lui révèlent son impuissance et sa misère. Ces forces sont souvent exprimées à travers la notion de fatalité. La fatalité, condition première du tragique: Si l'on se demande pourquoi la tradition tragique est née chez les Grecs, voici une réponse possible: les Grecs croyaient au destin comme en une force mystérieuse et toute-puissante, à laquelle l'humanité, l'univers, et les dieux eux-mêmes étaient soumis. Ils désignaient cette destinée implacable par les termes moira ou anankê. L'essence du tragique est la lutte héroïque, mais vouée à la défaite, de l'homme contre la fatalité. C'est donc la présence de ce destin tout-puissant qui définit le tragique, même si la forme d'expression n'est pas le théâtre: Notre-Dame de Paris, que Victor Hugo publie en 1831, est un chef-d'' uvre du roman tragique. Dans sa préface, l'auteur relate une circonstance sans doute fausse, mais significative: l'idée du roman lui serait venue lors d'une visite de la cathédrale parisienne, en voyant un mot gravé dans la pierre de l'édifice. Ce mot, écrit en lettres grecques, était anankê. Le sens tragique de la fatalité, du reste, dépasse la littérature: la peinture et la sculpture ont traité beaucoup de sujets tragiques. La musique elle-même, que ce soit dans les symphonies de Beethoven ou les opéras de Wagner, peut exprimer, selon le titre d'un opéra de Verdi, la force du destin. Aspects du tragique moderne: Sans doute, le développement du rationalisme scientifique, à partir du milieu du XIXe siècle, rend-il improbable la