Cet incipit du Cahier d’un retour au pays natal porte tout d’abord la marque d’une écriture basée sur l’expérience personnelle d’Aimé Césaire, au travers de laquelle il dresse un tableau, réaliste et violent, des Antilles. Le titre lui-même le dit. Dans Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire fait référence à sa propre histoire, à son propre retour aux racines. Le texte est ainsi rédigé à la première personne, de manière à faire transparaître dans l’énonciation même ce caractère autobiographique. Cet attachement à faire part de son expérience personnelle est confirmée par la suite. Des lignes 1 à 5, dés le début donc, l’auteur place ce discours direct : « va-t-en, lui disais-je, […] va-t-en mauvais gris-gris » qui révèle cette volonté de rapporter la vérité, comme on rapporte un discours, des paroles, sans rien en changer. Ce discours autobiographique mets en place une relation de confiance entre Aimé Césaire et le lecteur, confiance renforcée encore par le réalisme se dégageant de l’incipit. Une multitude d’images sont juxtaposées telles « fleurs du sang » « blessure des eaux » et « lèvres ouvertes » qui correspondent à autant de phrases nominales, par conséquent sans verbe, comme pour mettre l’accent sur la description précise, l’énonciation des faits plutôt que des actions. Soulignant encore davantage cet aspect de l’incipit, les nombreux adjectifs comme « insolentes » « crépusculaires » « vieux » « frêles » et les propositions relatives telles « qui ont faim » « qui ment » « qui ne témoignent pas » témoignent d’une réelle volonté de décrire, de raconter sans mentir, de donner des détails afin d’établir une vérité indéniable. Cette quête de réalisme et de vérité l’amène alors à dévoiler les stigmates du peuple noir, des innombrables douleurs et fardeaux causés par l’esclavage.
Ainsi ne dresse t’il pas un tableau idéaliste des Antilles, mais bien un tableau imprégné d’horreurs. Le réalisme se poursuit donc jusque dans la description des souffrances