Chibre
Entre Pâris suivi de son page qui porte une torche et des fleurs.
Pâris. - Page, donne-moi ta torche. Éloigne-toi et tiens-toi à l'écart... Mais, non, éteins-la, car je ne veux pas être vu. Va te coucher sous ces ifs là-bas, en appliquant ton oreille contre la terre sonore ; aucun pied ne pourra se poser sur le sol du cimetière, tant de fois amolli et foulé par la bêche du fossoyeur sans que tu l'entendes : tu siffleras, pour m'avertir, si tu entends approcher quelqu'un... Donne-moi ces fleurs. Fais ce que je te dis. Va.
LE PAGE, à part. - J'ai presque peur de rester seul ici dans le cimetière ; pourtant je me risque. (Il se retire. )
Pâris. - Douce fleur je sème ces fleurs sur ton lit nuptial, dont le dais, hélas ! est fait de poussière et de pierres ; je viendrai chaque nuit les arroser d'eau douce, ou, à son défaut, de larmes distillées par des sanglots ; oui, je veux célébrer tes funérailles en venant, chaque nuit, joncher ta tombe et pleurer (Lueur d'une torche et bruit de pas au loin. le page siffle. ) Le page m'avertit que quelqu'un approche. Quel est ce pas sacrilège qui erre par ici la nuit et trouble les rites funèbres de mon amour ?... Eh quoi ! une torche !... Nuit, voile-moi un instant. (Il se cache. )
( Entre Roméo, suivi de Balthazar qui porte une torche, une pioche et un levier ).
ROMÉO. - Donne-moi cette pioche et ce croc d'acier.
(Remettant un papier au page.) Tiens, prends cette lettre ; demain matin, de bonne heure, aie soin de la remettre à mon seigneur et père... Donne-moi la lumière. Sur ta vie, voici mon ordre : quoi que tu voies ou entendes, reste à l'écart et ne m'interromps pas dans mes actes. Si je descends dans cette alcôve de la mort c'est pour contempler les traits de ma dame, mais surtout pour détacher de son doigt inerte un anneau précieux, un anneau que je dois employer à un cher usage. Ainsi, éloigne-toi, va-t'en... Mais si, cédant au soupçon, tu oses