Civilité
Christophe Losfeld (Halle-Wittenberg)
Entreprendre de traiter un sujet comme « littérature et médias » dans le contexte de la France classique peut sembler une gageure. En effet, pour que les rapports entre la littérature et d’autres formes d’expression artistique, qu’il s’agisse de la peinture ou de la musique, puissent être productifs, il faudrait que les frontières génériques entre elles soient clairement déterminées. Or, de telles frontières sont bien floues au XVIIème siècle, ce qui tient assurément au fait que la notion d’esthétique est alors en phase de constitution et, plus exactement, que les principes d’une esthétique qu’on appellera plus tard classique, sont seulement en passe de s’implanter[1], fût-ce au détriment de la richesse dont faisait preuve la littérature du XVIème siècle.[2] Facteur d’ordre ou, pour les critiques du classicisme, frein mis à la créativité, cette esthétique s’éploie à un moment où fleurit, en France, le genre des traités de civilité qui, justement, sont les vecteurs de cet ordre recherché. Il existe donc un parallélisme entre les normes de comportement que l’Etat absolutiste essaie d’implanter et les règles esthétiques qu’il s’efforce d’introduire, de sorte que l’Académie française peut être considérée, dans le domaine esthétique, comme le pendant de ce qu’est la Cour, focalisée elle-même sur la personne du roi, dans le domaine de la politesse. Il n’est guère surprenant, dans ces conditions, que les concepts fondamentaux de ces traités, rappellent ceux de l’esthétique. Ainsi, dans son Traicté de la Cour, Eustache Du Refuge, lorsqu’il aborde cet élément essentiel de la vie de Cour qu’est la civilité, y distingue t-il deux aspects : l’affabilité, d’une part, et une certaine décence, qu’il appelle également bienséance, et qu’il définit en ces termes : « Cette Decence ou bonne grace regarde trois choses, la Parole, la Contenance & les Vestemens