Depuis qu’au printemps 1945, l’Europe saisie d’horreur a contemplé la Shoah dans sa pleine étendue, l’évènement hante la conscience occidentale. Au lendemain d’un massacre planifié qui a fait disparaître près de la moitié de la population juive européenne, une question lancinante est revenue sans cesse : comment cela a-t-il été possible ? Toute une floraison de livres et d’images, de témoignages et de films, tentant d’accomplir un long et nécessaire travail de mémoire, n’ont de cesse de venir encore aujourd’hui animer débats et controverses autour de cette tragédie. Comment l’Allemagne, nation phare de la culture, a-t-elle pu organiser la liquidation physique de millions d’êtres humains de manière calculée, systématique, industrielle ? Un débat majeur divise notamment les historiens entre intentionnalistes et fonctionnalistes : le génocide n’a-t-il été que l’aboutissement d’un plan préétabli par lequel Hitler aurait, dès le départ, inexorablement programmé la solution finale, ou bien a-t-il découlé de décisions successives liées à l’évolution de la conjoncture politique, militaire et diplomatique, dans un contexte de guerre mondiale ? Enfin, quelle part de responsabilité accorder aux populations qui, conscientes du massacre qui se jouait sous leurs yeux, ont collaboré ou se sont tues ? Il s’agit dans un premier temps de revenir sur les fondements idéologiques du génocide, à savoir la Weltanschauung ou vision nazie du monde, doctrine intrinsèquement raciste et antisémite, et sur les causes de son succès dont témoigne notamment l’arrivée au pouvoir d’Hitler par la voie constitutionnelle en janvier 1933. Nous nous pencherons ensuite sur la genèse et sur le développement de la « solution finale » à travers la mise au pas du projet nazi ou Gleichschaltung, projet totalitaire mélange de terreur et de propagande. Enfin, nous verrons que l’Etat nazi a également bénéficié, dans la mise en place de son programme d’extermination, d’une complicité