commentaire arrêt de la cours de cassation du 29 juin 2010
Si pour Ripert : « Le danger de la lésion est la rançon de la liberté », il aurait sans doute pu ajouter le risque d’imprévision est la rançon de la liberté. « Dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux quelque équitable que puissent leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ». La motivation du très célèbre arrêt canal de Craponne, qu’il n’est aujourd’hui plus permis d’ignorer, tant les débats sur la remise en cause du refus de révision judiciaire pour imprévision font rage, pourrait une nouvelle fois subir quelques tempéraments. L’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 juin 2010, pourtant destiné à l’origine à demeurer dans l’anonymat, comparativement à la diffusion massive de l’arrêt Faurécia, rendu le même jour, n’en suscite pas moins l’intérêt des commentateurs, en ce qu’il enfonce un terrible coin dans le refus de l’admission de la révision judiciaire pour imprévision.
L’intérêt n’en est que renforcé, puisqu’en l’espèce, les faits étaient relativement proches de ceux qui ont donné lieu au prononcé de l’arrêt de 1876. La Société d’exploitation de chauffage (SEC) avait conclu le 24 décembre 1998 avec la société Soffimat, un contrat d’une durée de douze ans, portant sur la maintenance de deux moteurs d’une centrale de production de co-génération, moyennant le versement d’une redevance annuelle. Par suite, la société Sofimat refusa d’exécuter les travaux de maintenance relatifs à la révision des moteurs après 30 000 heures de fonctionnement, correspondant pourtant à l’obligation contractuelle à laquelle elle s’était engagée. L’entreprise arguait d’un changement des circonstances économiques résultant d’une nette augmentation du prix des matières premières, qui rendait l’exécution de son obligation