Commentaire de texte rue case-nègres
Objectif : Prouver qu'à travers la description des mains de M'man Tine, nous est évoquée une vie de labeur et de sacrifice.
Revenu à moi, je m'obstinais encore à me représenter le visage de M'man Tine morte. Toujours, cette image se refusait. J'essayais alors de transposer celui de M. Médouze, étendu comme un Christ noir sur une planche nue,au milieu de sa case. J'étais sûr, toutefois, que ma mère avait sorti le drap blanc que m'man Tine serrait dévotement dans son panier caraïbe en vue du jour de sa mort. Certainement son grabat avait été somptueusement recouvert de ce drap, et elle avait été allongée au milieu de sa robe de satinette noire, celle qu'elle ne portait que deux ou trois fois l'an pour les cérémonies d' église. Mais pas sa figure, ni le creux de sa joue où je l'aurais embrassée. Ses mains. C'étaient ses mains qui m'apparaissaient sur la blancheur du drap. Ses mains noires, gonflées, durcies, craquelées à chaque repli, et chaque craquelure incrustée d'une boue indélébile. Des doigts encroûtés, déviés en tous sens ; aux bouts usés et renforcés par des ongles plus épais, plus durs et informes que des sabots de je ne sais quelle bête ayant galopé sur des rochers, dans de la ferraille, du fumier, de la vase. ... Ces mains que m'man Tine lavait soigneusement chaque soir, plus méticuleusement encore le dimanche matin, mais qui semblaient avoir été passées au feu, battues au marteau sur une pierre, enterrées puis arrachées avec toute la terre y adhérant ; puis trempées dans l' eau sale, longuement séchées au soleil, et enfin jetées là, avec une désinvolture sacrilège, sur la blancheur de ce drap, au fond de cet obscur taudis. Ces mains, aussi familières que la voix de m'man Tine, m'avaient tendu mes platées de "racines" pilées, débarbouillé avec une tendresse qui n'en atténuait même pas la rugosité ; habillé, avaient frotté mes vêtements sur les pierres de la rivière. Une