Commentaire Le Cid
Grand dramaturge du XVIIème siècle, Pierre Corneille a connu un succès de scandale en 1637 avec sa tragi-comédie Le Cid. La situation de Rodrigue, tiraillé entre son amour pour Chimène et le devoir de venger son père, a donné naissance à l'expression « dilemme cornélien » qui prouve la renommée de son auteur et sa maîtrise poétique et dramaturgique des tensions qui animent ses personnages. Composé de cinq actes en alexandrins, Le
Cid connaît plusieurs morceaux de bravoure, comme la tirade de Rodrigue qui, reçu en triomphe à la cour, raconte au roi sa victoire sur les Maures, dans la scène 3 de l'acte IV. L'extrait surprend par son rythme et sa vision élogieuse du combat mené par les Espagnols. Nous commenterons tout d'abord la théâtralité et la vivacité du récit, puis la figure du héros qui se met en scène et enfin la valorisation de la guerre.
Dans un premier temps, nous constatons que le récit de Rodrigue représente les étapes du combat de façon particulièrement vivante. En effet, le personnage insiste sur le contexte de la bataille, notamment sur le décor poétique très visuel. La scène se passe au port car les Maures envisagent de prendre et de piller la ville, en arrivant par bateau. La personnification de la mer renforce la menace des envahisseurs aux vers 19 et 20 :
« L'onde s'enfle […] Les Maures et la mer montent jusques au port ». En face, les Espagnols les attendent de pied ferme, « couch[és] contre terre ». La confrontation entre les deux camps, métaphorisée par les deux éléments (eau et terre), produit « des ruisseaux de leur sang », image hyperbolique qui transforme ensuite le décor en « champs de carnage où triomphe la mort », métaphore saisissante du champ de bataille. Puis, le parallélisme du vers 62 met en évidence le retournement de situation et l'inversion du mouvement dans le décor : « Le flux les apporta, le reflux les remporte. » La description d'un espace bipolaire