Les écrivains de la Préciosité s'attachent, de façon récurrente, à décrire les sentiments amoureux selon la '' Carte du Tendre '' - élaborée par Madeleine de Scudéry au XVIIème siècle -. C'est ainsi que, dans son roman classique La Princesse de Clèves (1678), Mme de Lafayette s'inspire des codes précieux pour décrire astucieusement une scène de malentendu entre Mlle de Chartres et son futur époux, à la veille de leur mariage. Cette scène présente un dialogue mettant en évidence ces deux personnages qui ne partagent pas le même projet : celui d'un mariage d'amour pour le Princes de Clèves et, à l'opposé, celui d'un mariage de raison pour sa fiancée. Il serait donc intéressant de montrer dans quelle mesure cette mésentente nous laisse prévoir une fin tragique. Ainsi, l'étude de cet extrait nous permettra d'abord d'analyser la situation d'incompréhension du couple. Nous expliquerons ensuite comment son accentuation aboutit alors à un procès dont la sentence sera désastreuse.

Dans un premier temps, la romancière expose par l'implicite, deux futurs mariés qui ne semblent ni se comprendre ni parler le même langage. En effet, M. de Clèves est présenté comme un homme passionné mais lucide. Le Prince établit une réflexion personnelle quant aux sentiments qui l'animent. L'opposition construite sur les adjectifs « heureux » et « content » (l.579) traduit sa déception. Comme ces adjectifs, sémantiquement synonymes à l'origine, sont présentés dans le contexte comme étant antonymes, ils contribuent à symboliser également le conflit intérieur qui règne dans son esprit. De cette manière, le Prince reconnaît qu'il a eu de la chance que le roi interdise une première union et que son père meure opportunément. Sans ces deux conditions, il n'aurait sans doute pas pu lui demander sa main. Cependant, la litote « sans être néanmoins content » (l.579) révèle qu'il se trouve insatisfait et même très contrarié car la « passion » (l.590) qu 'il éprouve pour Mlle de Chartres n'est pas