Commissariat d’exposition : la fin de l’innocence
Paul Ardenne
L’expansion de l’industrie culturelle constatée avec les décennies 1980-2000 a pu faire croire que le commissariat d’exposition en art contemporain serait dorénavant une sinécure. Toujours plus de musées, de centres d’art, d’événements consacrés à la création vivante en arts plastiques : mathématiquement, en besoin de personnel qualifié, cela veut dire plus de commissaires d’exposition. La création en arts plastiques enregistrant dans le même temps une poussée vertigineuse, il y avait fort à parier que le « commissaire » – le curator des Anglo-saxons – devienne de concert une figure incontournable, sommitale, du milieu de l’art vivant. Une création profuse et hétérogène, voilà en effet qui impose un minimum d’ordre, que des sélections soient faites, des thématiques répertoriées. Le règne des commissaires, prévisible, pouvait advenir. Il advint. Nulle déception dans le constat de cet avènement. En matière de conception d’expositions, le commissariat est et demeure une nécessité. Exposer « en vrac », n’importe comment, sans structurer a minima le propos artistique, c’est risquer de faire prendre ce vrac pour la nature même de l’art vivant – funeste erreur d’appréciation, en l’occurrence. Où y a-t-il risque, cependant ? En cas de « dérapage » de la fonction commissariale. Lorsque cette dernière, dépassant le mouvement de l’art, en vient à constituer généalogies ou configurations douteuses au nom de positions qui ne sont pas d’abord redevables de la réalité de l’art vivant mais celles de commissaires partiaux. Médiatiser est un bien. Médiatiser à des fins intellectuellement invertébrées, partisanes ou par trop personnalisées est en revanche sujet à contestation.
Le curateur, un agent nécessaire
La croissance, en nombre comme en importance, des commissaires en art contemporain est logique. L’industrie culturelle, à l’instar des univers de la marchandise et de la