Concept de la mondialisation
Le concept de mondialisation sert-il à quelque chose ?
Un point de vue d’historien
par Frederick Cooper
l y a deux problèmes avec le concept de « mondialisation » : « mondial » et « isation ». La première moitié du terme implique qu’un système unique de connexions – où se retrouvent notamment le marché des capitaux et des biens, les flux d’information, les images mentales – pénètre le monde entier ; la seconde, qu’il le fait maintenant, que nous sommes à l’ère du « global ». Or s’il y a des gens – à commencer par les partisans d’un marché totalement libre des capitaux – pour revendiquer que le monde leur soit ouvert, rien ne dit qu’ils ont eu gain de cause. Nombre de ceux qui déplorent la tyrannie des marchés, parce qu’ils y voient soit la cause du déclin de l’État-nation, soit celle de la montée des particularismes en réaction à l’homogénéisation culturelle, donnent à l’esbroufe des « globaliseurs » un peu trop de crédibilité. Derrière la vogue de la « mondialisation », il y a l’ambition de comprendre l’interconnexion entre différentes parties du monde, d’expliquer les mécanismes nouveaux qui président aux mouvement des capitaux, des hommes et des cultures,
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102 — Critique internationale n°10 - janvier 2001
et d’inventer les institutions capables de les réguler. Mais sont absents des débats actuels le questionnement historique ainsi que l’analyse précise de la structure des mécanismes de connexion et de leurs limites. Certes, il est salutaire de cesser de penser les processus sociaux, économiques, politiques et culturels dans les seuls cadres nationaux ou continentaux ; mais, à adopter un vocabulaire impliquant qu’il n’y a pas de cadre du tout, sauf le planétaire, on risque de mal poser les problèmes. Le monde a longtemps été – et est encore – un espace où les relations économiques et politiques sont très inégalement réparties ; il est plein de grumeaux, de lieux où s’agglutinent le pouvoir et les relations sociales, baignant dans