Construire une vision du monde commentaire
[Amorce] Maupassant était trop proche de son « père spirituel », Flaubert, pour adhérer totalement aux thèses provocatrices des naturalistes dont Zola était le chef de file. [Présentation de l’œuvre] Avec Pierre et Jean, paru en 1887, il publie un roman qui correspond parfaitement à son idéal littéraire : loin d’effets spectaculaires, il met en scène des personnages ordinaires dans le milieu provincial de la petite bourgeoisie. Deux frères – Pierre et Jean –, l’un déjà médecin, l’autre bientôt avocat, un couple de parents retraités affectueux, une jeune et jolie veuve, un héritage inattendu qui favorise curieusement un des frères et des secrets de famille enfouis qui ressortent. Maupassant jette un regard désabusé et lucide sur le jeu des uns et des autres ; il fait partager le drame à peine avoué de Pierre, jeune homme sombre et tourmenté, qui se sent étranger dans sa propre famille. [Présentation du texte] Jean, personnage insouciant et sans grand relief, préféré par sa mère parce qu’il est né d’une liaison adultère, profite d’une partie de pêche pour avouer son amour à Mme Rosémilly et la demander en mariage. [Annonce du plan] Maupassant observe cette déclaration et cette demande d’une façon détachée et même ironique. [I] En effet, ce rituel social ne se déroule pas de façon habituelle, ni par son cadre, [II] ni par le comportement des acteurs. [III] C’est, pour Maupassant, l’occasion de livrer sa vision pessimiste de l’amour et du mariage dans le monde étriqué de la petite bourgeoisie de son époque.
I. Le récit inhabituel d’une demande en mariage
La scène ne suit pas le déroulement attendu de la déclaration d’amour et de la demande en mariage au xixe siècle. Habituellement, c’est l’homme qui, après une vie sentimentale bien remplie et à un âge avancé, décide de se « ranger » en demandant la main d’une jeune fille inexpérimentée, dans un cadre poétique. Ici, Maupassant observe la scène, retranscrit gestes et paroles comme un témoin externe et