« Il y a des héros en mal comme en bien », disait La Rochefoucauld, moraliste et homme politique français. C’est en effet ce que nous montrent la classique La Fayette, le réaliste Flaubert, et Céline, qui n’appartient à aucun mouvement littéraire précis. Trois auteurs tout sauf contemporains les uns des autres, qui nous opposent leurs différentes visions du héros – ou pas. Dans cet extrait La Princesse de Clèves, roman précieux publié anonymement en 1679 par Marie-Madeleine de La Fayette, M. de Nemours surprend Mme de Clèves qui s’abandonne à une rêverie solitaire dont il est le centre, ce qui éveille en lui des sentiments amoureux passionnés. L’incipit de Madame Bovary, publié par Flaubert en 1857, nous offre une présentation de Charles Bovary, garçon pataud de la campagne d’une quinzaine d’années qui entre au Collège de Rouen en classe de 5e. Enfin, Voyage au bout de la nuit nous offre un Bardamu éructant sa haine vis à vis de lui-même et vis à vis des autres, désespérant de la disparition de Robinson, son « double », dont la mort marque la fin des aventures du médecin. Trois extraits, trois héros, mais quelles sortes de héros ? Du chevalier servant idyllique à l’antihéros, nous verrons qu’un héros peut en cacher un autre.

Théâtral, vaillant, courageux et romantique, le duc de Nemours est celui qui s’approcherait le plus de la définition de l’héroïsme.
On pourra se pencher tout d’abord sur le cadre : une scène qui a tout du conte de fée, ou plutôt du rêve ; idée renforcée par le flottement onirique omniprésent et le fait que l’action se déroule « au milieu de la nuit », tout en étant hors du temps. Or qu’est-ce qui caractérise mieux le rêve qu’une scène nocturne ? Tout est théâtralisé, c’est une véritable mise en scène, avec des décors et des objets, des déplacements précis, une atmosphère poétique voire merveilleuse – non ! féérique ! et marquée par de nombreuses hyperboles (« le plus beau lieu du monde »), ainsi qu’une présence importance de la symbolique