Cours philo
1) «Nous pensons le politique de façon romaine... Depuis l’époque romaine, le mot grec « politique » signifie quelque chose de romain, il n’y a plus là que le mot » (Heidegger).
Heidegger prétend que l’expérience romaine, qui rompt avec le monde grec, étend son emprise sur toute la modernité. Le fondement de cette expansion tient dans ce que l’auteur appelle une « mutation de l’essence de la vérité »: soit la traduction interprétative de l’aléthéia grecque dans la veritas latine. La traduction n’est rien de neutre, elle n’est pas le simple transport sans altération d’un sens, d’un milieu linguistique vers un autre, elle est le déplacement radical du domaine d’expérience de la vérité. Entre le domaine d’expérience grecque et le domaine romain il y a un abîme. Le domaine d’expérience propre à l’empire romain a sa détermination essentielle dans la notion de commandement. L’expérience grecque est celle du porter au paraître, du mettre à découvert. C’est avec l’émergence du « commandement » que l’histoire bascule et que se produit la mutation d’un monde. Que signifie en effet imperium? - imparare c’est « installer », préparer, disposer à l’avance, disposer de quelque chose et, dès lors, en être le maître. « Le commandement est le fond essentiel de la domination », et non une de ses formes contingentes. - En outre, tandis que l’essence du « divin » grec se tient dans le domaine de l’alethéia (les dieux grecs sont des dieux qui se montrent, qui « font signe »), l’essence des dieux romains s’expose dans le numen, qui est commandement et volonté. - Le droit romain relève aussi de la détermination de la souveraineté en tant que commandement (« avoir le droit », « être dans son droit »). D’où la séparation radicale de la justicia romaine et de la dikè grecque (qui se tient dans le domaine du « non-caché »). Les termes dans lesquels s’énonce le domaine d’expérience de l’imperium romanum et du commandement sont donc les suivants: domination,