césaire LA

1935 mots 8 pages
Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viêt-Nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fille violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et « interrogés », de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. Et alors, un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets. On s’étonne, on s’indigne. On dit : « Comme c’est curieux ! Mais, bah ! C’est le nazisme, ça passera ! » Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on a en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’œil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme-là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation

en relation

  • Histoire d'un allemand de sebastian haffner
    1895 mots | 8 pages
  • Histoire des arts Joséphine baker
    648 mots | 3 pages
  • Inglourious basterds
    2746 mots | 11 pages
  • Art abstait
    1417 mots | 6 pages
  • La fondation de la suisse, guillaume tell et les lacustres
    1676 mots | 7 pages
  • Et pourtant Elle tourne
    507 mots | 3 pages
  • Magnus
    468 mots | 2 pages
  • Synthèse compétitivité en Allemagne
    710 mots | 3 pages
  • La cague de strausser
    1009 mots | 5 pages
  • Definitions 2nd guerre mondiale
    373 mots | 2 pages
  • Idee
    751 mots | 4 pages
  • La vague
    1751 mots | 8 pages
  • Les poupulations de la guerre
    349 mots | 2 pages
  • Discours sur la Montée des Diversités dans les sociétés Européennes contre toutes formes de préjugés.
    1142 mots | 5 pages
  • L’homme sans âge, temps
    666 mots | 3 pages