Dans quelle mesure l'argumentation est-elle plus efficace lorsqu'elle fait intervenir des personnages
ce sur quoi porte le désaccord relève du probable, de l'incertain. C'est dire que l'argumentation est d'abord l'expérience de l'ambiguïté. C'est parce que le sens est versatile qu'il faut argumenter pour surmonter, au moins provisoirement, cette versatilité.
Or c'est là que se noue notre interrogation sur l'essence même de l'argumentation. Faut-il penser qu'argumenter est un acte souverain qui fonde plus ou moins arbitrairement un sens ? Et il faudra alors se prononcer sur ce « plus ou moins ». Ou bien l'argumentation n'est-elle que la modalité superfétatoire de l'exposition d'une vérité toujours déjà là ? Autrement dit le projet même d'argumenter semble victime d'une contradiction interne : il sollicite d'une part des preuves et des procédures logiques de validation, et en ce sens il s'adresse à la raison, mais il est soucieux également de plaire et d'emporter l'adhésion indépendamment de tout contenu de vérité. L'argumentation est ainsi placée entre deux limites qui lui sont extérieures : la logique et la violence. Elle oscille entre deux pôles qui la constituent : la preuve et la persuasion. Or le philosophe, lui aussi, se rend sur la place publique et se prête à l'exercice des questions et des réponses. Il lui faut donc courir le risque d'argumenter sans séduire, car c'est le statut même de son discours qui est ici en