Deleuze et le problème de la vie - vers une ontologisation du quotidien
Les Cahiers de l'ATP, Novembre 2003 – © Jean, 2003
DELEUZE ET LE PROBLÈME DE LA VIE VERS UNE ONTOLOGISATION DU QUOTIDIEN.
Par Grégori Jean "Qu’est-ce qui se passe concrètement dans la vie ? (...) Et là, c’est curieux comme Spinoza emploie une méthode géométrique, vous savez que l’Éthique se présente sous forme de propositions, démonstrations, etc., et en même temps, plus c’est mathématique, plus c’est extraordinairement concret. (…) Il nous fait une espèce de portrait géométrique de notre vie qui, il me semble, est très très convaincant (...) C’est vraiment l’existence dans la rue (…). C’est à vous de dire si ça vous convient ou pas…" G. Deleuze, Cours sur Spinoza du 24/01/1978 Université de Vincennes Dans l'article qu'il lui consacre dans le tome IV de l'Histoire de la philosophie dirigé par F. Châtelet, Deleuze décrit l'empirisme de Hume comme "une sorte d'univers de sciencefiction avant la lettre". Comme dans la science fiction, ajoute-t-il, "on a l'impression d'un monde fictif, étrange, étranger, vu par d'autres créatures; mais aussi le pressentiment que ce monde est déjà le nôtre, et ces autres créatures, nous-mêmes"1. À notre sens, on ne saurait mieux décrire l'impression produite sur le lecteur par l'œuvre deleuzienne. Elle en constitue comme le mystère. Qu'un livre de philosophie doive être pour une part une sorte d'œuvre de science fiction, c'est ce que Deleuze affirme lui-même dans l'avant-propos de Différence et répétition. Mais d'où vient que, par ailleurs, venant doubler une production presque délirante d'étranges concepts, une précision diabolique dans leur maniement, une pratique virtuose de la spéculation repoussant certaines pages aux limites de l'intelligible, une sécheresse enfin, et une certaine aridité dans l'expression, nous, lecteurs, et pas seulement lecteurs philosophes, nous avons bien le pressentiment que Deleuze ne nous parle que de nous-mêmes, et de ce que nous vivons ? Comment expliquer qu'à